Avec Dohatsu, Júlia et Anabelle poursuivent une réflexion autour de leur attachement commun, les savoir-faire anciens et paysans comme réponse aux enjeux contemporains.
L’élaboration de ce projet leur a également permis de rencontrer des paysans qui refusent de se plier aux logiques productivistes. Ces hommes et ces femmes s’inspirent des pratiques traditionnelles pour inventer leur propre façon de travailler, dans laquelle la relation au vivant relève d’une forme de proximité et de respect. A travers Dohatsu, Júlia et Anabelle souhaitent partager des récits évoquant notre relation à la nature, la manière dont elle a évolué et la nécessité de la questionner afin d’imaginer un autre rapport au vivant.
Journal
11/09/2023 — Une collecte d’images oubliées
Textes et images: Lalie Thebault
Une collecte d'images oubliées, de gestes et de savoirs délaissés réalisée par Lalie Thebault. Inspirée par l'histoire de Dohatsu, cette sélection témoigne du monde paysan où la main, le partage et le temps y sont essentiels. Lire la suite
Paysanne (Rocamadour, début XIXe) qui extrait le lait de la mamelle d’une chèvre, à la main. La traite se fait directement dans la casserole, selon les besoins journaliers — Traite quotidienne, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – Gérard Hayard, Vie de Paysanne, Éditions Horvath, 1986
Berger (Gabas, Pyrénées atlantiques) qui remue doucement à la main le lait de chèvre, afin de décailler. Une étape qui permet de casser, avec les doigts, le caillé ferme pour laisser sortir le petit lait, afin d’obtenir un grain propice à la fabrication du fromage — Décaillage à la main, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – Nouveau pas vers l’écologie, Terroir, Archive INA, 15 décembre 1977
La pâte du pain est mise à lever dans un lit. Afin d’activer la fermentation de la pâte, le paneton est glissé, bien au chaud, sous les couvertures — Levé du pain, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – The reader’s digest association, L’art de vivre au temps jadis, Sélection du reader’s digest, 1983
Après que le cochon ait été tué dans la ferme, un groupe de femmes préparent sur place la viande et les abats : jambon salé, saucisse, pâté, boudin — Cochonnailles, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – On tue le cochon, Terroir, Archive INA, 28 janvier 1982
Qualifier de sous-produit, la graisse animale en reste néanmoins utilisée. Ici, une femme (Espalion, Aveyron, 1964) coupe un morceau de lard gras — Lard gras, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – Suzanne Tardieu et Michèle Hamon, Équipement et activités domestiques, Guides ethnologiques, Éditions des musées Nationaux Paris, 1972
La récolte des céréales arrivées à maturité se fait ici avec deux baguettes de bois, attachées ensemble par une de leurs extrémités. Le moissonneur saisit quelques tiges de céréales en rapprochant les deux baguettes l’une de l’autre, puis il les tire vers lui pour les arracher. Cet outil en bois – utilisé encore en Espagne cantabrique – est fabriqué par les agriculteur.rice.s elleux-mêmes — Moisson avec des baguettes, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – The reader’s digest association, L’art de vivre au temps jadis, Sélection du reader’s digest, 1983
Le patin est une planchette de bois soutenue sous le pied par deux brides, il est souvent fabriqué par son usagé. Il permet de plomber (tasser et aplanir) les semis après les avoir plantés — Plombage des semis au patin, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – Louis Giordano & Pierre Auguste, La culture des légumes, Dargaud éditeur, 1975
Équeuter est une opération qui consiste à enlever la queue des fruits ou des légumes. Ici, elle est réalisée manuellement sur des haricots verts, et non mécaniquement comme dans le processus industriel. Cette action répétitive avec les mains devient également un temps pour méditer, lire le journal, échanger avec d’autres personnes — Équeutage, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – Les halles, Ceux qui ne partiront pas, Régie 4, Archive INA, 14 janvier 1969
Pour que les produits récoltés perdurent toute l’année, il est possible de les faire sécher. Il s’agit d’éliminer l’humidité, en les étalant sur des plateaux et en les exposant au soleil et à l’air. Au fur et à mesure des jours il faut vérifier s’ils sont secs ; pour cela, on les fait rouler délicatement entre les doigts pour sentir leur durcissement. Plusieurs techniques et installations existent pour favoriser le séchage et les qualités nutritives des aliments — Séchage des aliments prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – The reader’s digest association, L’art de vivre au temps jadis, Sélection du reader’s digest, 1983
La transformation des cueillettes peut se faire par la préparation d’un macérât huileux. Cette technique permet d’extraire les principaux actifs d’une plante – ici le millepertuis – en l’immergeant longuement dans un liquide comme l’huile, pour qu’elle infuse, recueille et conserve les vertus thérapeutiques — Macérât Millepertuis, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – L’homme des simples, Terroir, France Régions 3 Toulouse, Archive INA, 21 octobre 1976
Après avoir cuisiné son bouillon au feu de bois, il est temps pour ce paysan du Périgord de le déguster. Il coupe grossièrement quelques morceaux d’une miche de pain, et verse le bouillon dessus — Pain et bouillon, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – Le bouillon traditionnel au feu de bois, Le magazine, Archive INA, 13 octobre 1984
Les gardien.ne.s de bétails se servent le plus souvent d’instruments à vent qui portent au loin le son afin de communiquer avec d’autres éleveur.se.s, donner des ordres aux bêtes, rassembler le troupeau, réveiller les gens pour la traite des brebis. À gauche : Conques marine, Hautes-Alpes, Saint-Véran en Queyras, 1963 ; à droite : Corne de bovin, Marne, 1966 — L’appel du berger, prélevée par Lalie Thébault Maviel, mai 2023 – M. Brunhes Delamarre, Techniques de production : l’élevage, Guides ethnologiques, Éditions des Musées Nationaux Paris, 1975
29/12/2022 — Le cycle de l’os
Textes: Margault Antonini - Regain #19 Hiver 2022
Dans la campagne basque, Anabelle Meyer et Júlia Casamitjana oeuvrent pour réhabiliter le bouillon d'os traditionnel. Soutenues par un réseau d'éleveurs engagés et maraîchers locaux, elles l'envisagent comme un produit qualitatif et accessible, à l'incontestable portée politique. Lire la suite
Rendez-vous est pris à la Ferme Irougnia, sur les hauteurs d’un village de l’arrière-Pays basque français. En contrebas des bâtiments agricoles, une trentaine de vaches pâturent sur une parcelle au relief accidenté, où se côtoient prairies et sous-bois. Cette exploitation fait partie des rares de la région à élever ses vaches de races rustiques à l’herbe, et à les laisser vivre en extérieur la plus grande partie de l’année, sur des parcelles en rotation.
Bottes de pluie aux pieds et imperméable sur le dos, Anabelle Meyer et Júlia Casamitjana sont intarissables sur ce mode d’élevage ancestral, dont elles nous vantent les mérites alors que nous rejoignons le troupeau. C’est d’ailleurs leur intérêt prononcé pour le monde paysan, couplé à une volonté d’aider certains agriculteurs à se différencier, qui les a conduites à lancer Dohatsu, leur projet de bouillons d’os et de légumes. Cela fait plus de deux ans que les deux jeunes femmes planchent sur cette idée de réhabiliter le bouillon artisanal, pilier de l’alimentation d’autrefois qui s’est vu supplanter par sa variante industrielle au cours du xx° siècle. Par la même occasion, elles souhaitent revaloriser les os d’animaux élevés à l’herbe, qui ont disparu de nos cuisines suite à un changement de législation. Si Anabelle et Júlia nous ont proposé de visiter la Ferme Irougnia, que l’éleveur Paul Decarne a reprise il y a un an, c’est parce qu’elle illustre parfaitement leur démarche. En observant ses gasconnes des Pyrénées brouter sous les arbres, on ne peut s’empêcher de faire le lien avec la qualité nutritionnelle d’un bouillon. «Aujourd’hui, les fermes qui élèvent leurs bêtes en agriculture biologique, en plein air et exclusivement à l’herbe ne sont pas mises en avant», regrettent les associées. Ce mode d’élevage, qui s’appuie sur des races rustiques, apporte pourtant une plus-value indéniable à la viande. Sans compter les bénéfices du pâturage, qui contribue à l’entretien des paysages et à la régénération des sols. «L’idée était de se dire: si la bête a été bien élevée, pourquoi faire une différence entre sa viande et ses os? »
NE RIEN LÂCHER ET S’ADAPTER
Malgré la logique implacable de leur démarche, sa mise en application s’est avérée beaucoup plus compliquée que prévu. En effet, un règlement européen a classé les os parmi les sous-produits animaux en 2009, ce qui a eu des répercussions immédiates au niveau de la logistique, du transport ou de la transformation. « Ils ont été retirés du circuit alimentaire, ce qui représente un gaspillage énorme lorsqu’il s’agit d’os provenant d’animaux en bonne santé», témoignent Anabelle et Júlia. Lorsqu’elles demandent l’autorisation nécessaire au lancement de leur projet auprès de la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations), elles essuient de nombreux refus et obtiennent finalement une approbation après de longs mois d’attente et d’innombrables relances. Reste ensuite à trouver un laboratoire de transformation qui accepte de les accueillir, une gageure. Elles en visitent une centaine dans toute la région de Biarritz ainsi que dans le Béarn et les Landes, avant de trouver la perle rare en Hegoalde, le Pays basque espagnol où le bouillon a encore une place de choix dans la gastronomie. Les racines espagnoles de Júlia ont d’ailleurs été un atout lors de l’élaboration de ce projet transfrontalier, de même que les centaines de bouillons qu’elle s’applique à cuisiner tous les dimanches depuis des années. Ce rituel a fortement aidé le duo à mettre au point les trois bouillons Dohatsu – poule, bœuf et hiver. Chaque recette est également agrémentée de légumes biologiques locaux, cultivés en pleine terre et souvent déclassés ou hors calibre, une manière de respecter l’esprit de cette préparation qui consiste à utiliser les ingrédients que l’on a sous la main. En revanche, impossible de modifier les recettes selon les arrivages ou les surplus des maraîchers, puisque la réglementation actuelle implique de les faire valider en amont.
Anabelle et Júlia se sont donc pliées aux normes contraignantes liées à la préparation de leurs bouillons, et ont même su en tirer parti. « On a rapidement mis de côté le système de petites quantités que nous avions imaginé, expliquent-elles. Ce mode de production à plus grande échelle nous permet de rendre nos bouillons accessibles aux consommateurs et de parler à davantage de fermes. » Au-delà d’un simple projet commercial, les deux associées espèrent en convaincre certaines d’amorcer leur transition écologique. Pour ce faire, elles disposent d’un argument de poids, puisqu’elles rachètent les os en direct aux éleveurs au prix de 2 euros le kilo, alors qu’ils doivent normalement s’acquitter de frais d’équarrissage pour s’en débarrasser.
CERCLE VERTUEUX
« L’os ne doit plus être considéré comme un déchet, surtout lorsqu’il vient d’une filière élevée à l’herbe », soutient Anabelle. Celle qui œuvre au sein d’une association militant pour cette méthode d’élevage a tissé des liens avec des agriculteurs depuis son arrivée dans la région, il y a quatre ans. Elle ne cache pas l’ambition de Dohatsu de créer une filière locale de l’os et a ainsi fédéré plusieurs éleveurs autour du projet. Eux gagnent un peu plus d’argent sur chaque bête, tandis qu’Anabelle et Júlia peuvent plus facilement s’organiser en coordonnant notamment l’abattage – pour préparer une cuvée de 1500 litres de bouillon, pas moins de 400 kilos d’os de bœuf sont nécessaires, soit l’équivalent d’une dizaine d’animaux. Quant aux poules de réforme et aux cochons qu’elles valorisent dans leurs autres préparations, ils répondent à cette même exigence de qualité.
En novembre dernier, les deux amies avaient embouteillé leurs trois recettes dans des flacons d’un litre décorés d’illustrations évoquant l’esprit Dohatsu: un paysan soulevant fièrement sa vache, une fermière portant une marmite de légumes avec sa poule sur l’épaule, une bande d’amis attablés autour d’un bon repas. Ces étiquettes soignées sont également l’occasion d’exprimer la pluralité du bouillon, qui peut aussi bien s’utiliser dans une préparation que se boire seul ou agrémenté de céréales ou de légumineuses.
Pour le reste, à chacun sa préférence: un goût léger et équilibré pour la poule, un arôme riche et voluptueux pour le bœuf, tandis que le bouillon d’hiver rappelle les recettes d’antan et sans doute, aussi, un temps révolu où l’on cuisinait tous les morceaux d’un animal tué à la ferme. Malgré son apparente simplicité, le bouillon revêt une portée politique. Il questionne notre rapport au système d’approvisionnement et d’élevage, et est étroitement lié à la souveraineté alimentaire. Il s’avère aussi un en-cas délicieux en attendant patiemment la révolution du système.
01/08/2020 — La ferme Larrous à Bergouey-Viellenave
Textes: Júlia Casamitjana - Images: Neige Thebault
Lorsqu’il reprend la ferme de son oncle il y a douze ans, Félix Noblia a une idée en tête: l’homme ne produit rien, c’est la nature qui se transforme. À 23 ans, le jeune paysan entame un long et fastidieux travail d’expérimentation, bousculant ainsi les pratiques agricoles des anciens du coin. Felix en est persuadé, le sol est le grand connecteur et réconciliateur du vivant. Lire la suite
Il existe en effet une formidable technologie millénaire capable de capturer le dioxyde de carbone dans l’atmosphère et le piéger dans le sol. La photosynthèse permet aux plantes de récupérer le dioxyde de carbone présent dans l’air. Lors de la décomposition d’un corps, le carbone est transmis stratégiquement aux organismes vivants dans le sol, qui le transforment à leur tour en matière organique indispensable à la croissance des plantes. Ces échanges énergétiques détiennent un rôle essentiel car le carbone ainsi séquestré dans le sol absorbe celui actuellement en excès dans l’atmosphère émis par les activités humaines. Le sol a la capacité de restituer un équilibre climatique, d’absorber le dioxyde de carbone qui provoque l’effet de serre et accélère le réchauffement de la planète.
En 2016, Félix est rejoint par Julien puis Anabelle à la Ferme Larrous, située à Bergouey-Viellenave, au croisement des Landes, du Béarn et du Pays Basque. La ferme s’étend alors sur 150 hectares de prairies, champs cultivés et forêts. Ensemble, ils ne cessent d’expérimenter et d’étudier une culture de la terre qui fait avec plutôt que contre le vivant.
La biodiversité du sol est le support essentiel de ce que l’on voit onduler en surface mais aussi de toutes les interactions intimes et durables nécessaires à la séquestration du carbone et à sa fertilité. Bactéries, champignons, vers de terre, collabores, acariens, araignées et autres invertébrés sont liés par des modèles subtils et sophistiqués d’échanges énergétiques indispensables à la croissance des plantes et à la stabilité climatique. Nos vies dépendent non seulement d’autres vies mais également de processus cachés et d’autres énergies insoupçonnées qui forment un réseau étroitement enchevêtré. Nous sommes liés au vivant au sein d’une communauté énergétique et nourricière, le sol étant à la fois la source et destination finale de toute matière vivante.
Wendell Berry, poète, écrivain et paysan a consacré sa carrière à explorer nos relations à la terre. D’après lui, les dégâts de l’agriculture conventionnelle proviennent de la volonté obstinée d’utiliser la vie du sol comme s’il s’agissait d’une ressource extractible, d’ignorer sa complexité et l’importance des mystères qu’elle recèle. Si l’on s’intéresse aux idées de labour et de culte, elles sont unies par le terme de culture. Ces termes viennent tous d’une même racine indo-européenne qui signifie à la fois tourner et habiter. Vivre, survivre sur la terre, prendre soin du sol et rendre culte, toutes ces actions sont étymologiquement liées à l’idée de cycle.
Cultiver la terre sans l’épuiser de manière à assurer son renouvellement révèle toute une série d’implications, de responsabilités et des réciprocités bien plus subtiles que celles qu’exige une pratique exclusivement fondée sur l’extractivisme et sa rentabilité.
Felix nous explique qu’il s’inspire des systèmes naturels. L’anatomie du sol étant diverse et complexe, l’agriculture se prête d’avantage à l’imitation qu’à l’analyse. Ils évitent par exemple le labourage profond qui bouleverse le fonctionnement du sol et sa capacité intrinsèque à retenir l’eau et le carbone. Felix ne plante que des variétés anciennes et le maïs Grand Roux est une de ses préférées. Disparue du territoire au profit des variétés hybrides et OGM, elle a été retrouvée il y a quelques années dans un couvent proche de Segura. Ils jouent avec les temporalités de leurs cultures et multiplient le choix, les associations et les combinaisons des variétés plantées. Cela leur a permis de voir réapparaître et s’accroître la biodiversité sur leurs terres au fil des saisons. Felix énumère une trentaine d’espèces différentes autour de nos pieds. Le sol est vivant. Comme tout corps sain, il est capable de maintenir sa structure, d’éviter son érosion et les maladies et d’absorber et dépolluer l’eau lors des grandes pluies. C’est grâce à cet équilibre qu’à la ferme Larrous les paysans peuvent se passer totalement d’intrants nuisibles aux écosystèmes de la ferme. Toute la matière organique qui participe à la régénération de la vie du sol provient du compost travaillé, mélangé et vieilli à la ferme. Les engrais verts permettent d’améliorer la fertilité et la structure du sol. Ils sont cultivés et conservés à la ferme en attendant les prochaines récoltes.
Felix trouve ses premières vaches Angus chez un paysan voisin qui partait à la retraite. Cette race rustique écossaise particulièrement résistante s’adapte facilement à la vie en plein air tout au long de l’année. Julien déplace les 150 têtes de bétail tous les jours d’un enclos à un autre de la prairie, imitant ainsi les comportements ancestraux de troupeaux en liberté qui ne reviennent pas sur leurs pas tant que l’herbe n’a pas repoussé. Cette technique de pâturage tournant et dynamique n’engendre que des avantages. Les vaches bénéficient d’une meilleure digestion et produisent moins de méthane. Elles n’ont pas besoin de compléments alimentaires de provenance étrangère. Leurs excréments apportent naturellement des engrais au sol, contrairement aux systèmes d’élevage industriels où ils représentent des sources de pollution. La salive des ruminants stimule la croissance de l’herbe et les pâturages sont ainsi moins sollicités. Ces prairies permanentes piègent efficacement le carbone dans le sol pendant des siècles. La viande d’Angus biologique nourrie uniquement à l’herbe et élevée en plein air présente plus de qualités nutritionnelles que la viande conventionnelle. Elle est équilibrée en acide gras essentiels et plus riche en Oméga 3. C’est le résultat logique d’un système se basant sur l’interdépendance: la connexion entre la biodiversité du sol, la santé des plantes, des animaux et celle des humains qui se nourrissent de ce même sol.
Les relations entre les microbes, les pollinisateurs, les cultures, les vaches, les oiseaux de prairies et les paysans sont inextricablement liées. Cette réciprocité est ancienne et constitutive de tout corps vivant. Pourtant, nous nous en sommes peu a peu déconnectés. Les récits et l’imaginaire hérités de la modernité ont façonné une nature immuable et abstraite. La crise climatique nous prouve aujourd’hui le contraire. L’heure est désormais à la réconciliation.